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Le Temps, 16 Octobre 2009

Onze élections cantonales et pas de vainqueur attitré

Malgré la dissidence du PBD, l'UDC reste le plus grand parti dans les cantons suisses, à égalité avec le PLR. L'onde verte s'essouffle et le PS est en nette perte de vitesse. Le PBD et les Verts libéraux demeurent marginaux.

Pascal Sciarini et Daniel Bochsler

Depuis les élections fédérales de 2007, onze cantons ont renouvelé leur parlement, parmi lesquels trois grands cantons (Argovie, Genève et Saint-Gall). A deux ans de l'échéance de 2011,l'examen de la force des partis dans les parlements cantonaux permet de jauger leur état de forme – ou de méforme. Cet exercice est particulièrement utile pour évaluer les chances des nouveaux partis – les Verts libéraux et le parti bourgeois démocratique (PBD) – et du parti issu de la fusion radicale-libérale (PLR).

Signe d'une très grande instabilité, la force des partis a beaucoup fluctué au cours des deux dernières années (voir graphique ci-contre). Méfions-nous cependant des conclusions hâtives: instabilité il y a bien eu, mais celle-ci est essentiellement due aux mouvements de dissidence, de fusion et de création de nouveaux partis que la Suisse a connus depuis 2007. Ainsi, le léger recul de l'UDC (-1.1%) s'explique entièrement par sa décision d'exclure sa section grisonne et par le transfert qui s'en est suivi de députés bernois et glaronnais vers le PBD. Sans cette dissidence, l'UDC aurait gagné environ 1% des sièges parlementaires dans les cantons entre 2007 et 2009. Dans la foulée de sa victoire aux élections fédérales de 2007, l'UDC a encore progressé dans quelques uns de ses fiefs alémaniques (Schwyz, Saint-Gall), mais aussi dans le Haut-Valais – où il se présentait dans certains cas pour la première fois.

A l'inverse, la subite progression du PLR entre 2008 et 2009 (+2.8%) n'est qu'une illusion d'optique, entièrement imputable au processus de fusion entre le parti radical et le parti libéral. A ce jour, les résultats du nouveau parti fusionné nous rappellent que l'équation 1+1=2 ne vaut pas forcément pour les partis: indépendamment du fait qu'ils aient déjà fusionné (Neuchâtel, Valais) ou non (Genève), les radicaux-libéraux ont encore perdu quelques plumes cette année (-0.6% des sièges au total). Le parti radical verra néanmoins dans ce graphique une raison de se consoler: à la faveur de son mariage avec les libéraux, il a retrouvé son statut de premier parti dans les cantons suisses, juste devant l'UDC (21.8% contre 21.6%).

Le bout du tunnel n'est pas non plus encore en vue pour le PDC: alors qu'entre 2003 et 2007 le PDC semblait avoir réussi à enrayer son déclin, il a subi de nouvelles pertes au cours des deux dernières années (-0.8%). Cependant, le principal perdant des onze dernières élections cantonales n'est pas le PDC, mais le parti socialiste (PS). En 2005 et 2006, le PS partageait encore avec l'UDC le statut de premier parti dans les cantons suisses. Mais depuis les élections zurichoises du printemps 2007, le PS est entré dans une spirale de défaites de laquelle il ne parvient pas à s'extraire – et qui lui ont globalement coûté 1.6% en sièges parlementaires (et même 4% depuis 2005). Le recul est particulièrement inquiétant dans les cantons de Schwyz, Saint-Gall et Thurgovie. Le Valais est le seul canton dans lequel le PS n'a pas reculé, et encore il s'agit d'un canton dans lequel il a souvent fait liste commune avec les Verts ou les Chrétiens sociaux. Les socialistes suisses, comme leurs homologues européens, ne parviennent pas à tirer profit de la crise économique, laquelle semble leur être au contraire défavorable.

Plus inquiétant encore pour la gauche: les pertes socialistes des deux dernières années n'ont pas été compensées par des gains de même ampleur de la part des Verts. Après la forte poussée enregistrée entre 2003 et 2007, le rythme de progression des Verts s'est nettement ralenti – peut-être parce que les craintes suscitées par la crise économique ont pris le pas sur les préoccupations environnementales. On soulignera également le caractère singulier des résultats du week-end dernier dans le canton Genève: si à Genève – comme à Zoug depuis 2006 – les Verts ont dépassé le PS, au niveau suisse leur force dans les parlements cantonaux n'atteint toujours pas les 10% (9.3% si on inclut les Verts alternatifs) et demeure donc inférieure de moitié à celle du PS.

Enfin, le graphique met en lumière le caractère très marginal des deux derniers nés de la politique suisse, le PBD et les Verts libéraux: le premier a beau possédé désormais son propre groupe parlementaire aux Chambres fédérales, il demeure néanmoins un nain à l'échelle nationale; il dispose de seulement de 2.3% des sièges dans les parlements cantonaux, qui de plus proviennent presque tous des transfuges de l'UDC. La question de savoir si le PBD parviendra à conserver ces sièges constitue l'un des enjeux clés des élections du premier semestre 2010 dans les cantons de Berne, Glaris et des Grisons. Pour l'heure, le PDB peut se prévaloir de nouveaux sièges seulement dans le canton d'Argovie, où il a conquis l'année dernière 4 des 140 sièges. Et il peut également se prévaloir de ses bons résultats aux élections communales dans le canton de Berne: il a conquis de nombreux sièges au détriment des autres partis bourgeois, dans les villes comme dans les campagnes. On saura dans les prochains mois, et au plus tard aux élections nationales de 2011, si ces bons résultats ne traduisent qu'une sympathie éphémère pour le nouveau parti et sa Conseillère fédérale, ou s'ils sont le reflet d'une tendance plus durable.

L'image du nain s'applique, à plus forte raison, pour les Verts libéraux: en dépit de leur percée spectaculaire du printemps 2007 dans le canton de Zurich, ils ne sont représentés que dans six cantons alémaniques (Argovie, Bâle-ville, Saint-Gall, Soleure, Thurgovie et Zurich) et ne comptent au total que pour 1.5% de la force parlementaire dans les cantons, soit guère plus que l'Union démocratique fédérale. Faute de succès probants lors des prochaines élections cantonales, les Verts libéraux pourraient – comme le PBD – être poussés dans les bras d'un plus grand parti. Un tel scénario ne sera pas pour déplaire pas à ceux qui, comme l'ancien Conseiller fédéral Pascal Couchepin, se soucient des problèmes de gouvernabilité engendrés par l'émiettement du système suisse de partis.

Pascal Sciarini et Daniel Bochsler

Pascal Sciarini est professeur et Directeur du Département de science politique de l'Université de Genève. Il est co-éditeur avec Sarah Nicolet d'un livre à paraître en novembre aux éditions Georg: Le destin électoral de la gauche. Le vote socialiste et vert en Suisse. Daniel Bochsler est chercheur à la Central European University de Budapest et auteur d'un chapitre sur les effets des apparentements de liste dans le livre précité.

Graphique: Force des partis dans les parlements cantonaux (1999-2009)

L'indice de la force des partis dans les parlements cantonaux se base sur le nombre de sièges détenus par chaque parti. Il inclut tous les cantons suisses sauf Appenzell Rhodes intérieures et corrige les différences de taille des cantons (population) et des parlements cantonaux (nombre de sièges). Grâce à cette correction, la force des partis dans les parlements cantonaux est directement comparable avec leur force au Conseil national. Cette correction permet également des comparaisons dans le temps et évite que les résultats des plus petits cantons ne biaisent les résultats d'ensemble.

update: 16/10/2009